De Hovd a Altai.
Je quitte Hovd tardivement apres avoir essayé en vain de changer de l'argent. Dommage, la chaleur est accablante et j'aurais préféré rouler de bonne heure.
Certaines pistes ont une bonne allure visuelle et sont de vrais cauchemars, c'est le cas de celle que j'emprunte. A l'inverse, des pistes donnent une impression terrible mais sont finalement assez roulantes.
je retends la chaine apres 50 km.
40 km pour rien pour avoir pris une piste latérale. Tout se paye en fin de journée.
Je tombe sur un jeune motard, posé dans le désert à côté de sa moto, pneu avant explosé. Je l' aide à bricoler un truc avec des colliers rielsan. Pour le consoler de ses misères, je lui refourgue le trés rude fromage de la veille.
Je croise 4 ou 5 voitures en tout et pour tout . C est vraiment désert, je ruisselle sous mon blouson.
Petit repas dans un resto de bord de route planté au milieu du sable. Deux soeurs me dévorent des yeux pendant que je dévore le mouton grillé.
J'arrive à Darvi, petit bled poussiéreux. Les habitants, inquiets me dévisagent de loin. C'est vrai que je ressemble au marchand de sable. Enfariné de la tête au pied. Je décide de réparer mon casque qui a un petit problème de visière. Nous sommes bien 25 à mettre la touche finale sur le petit boulon. Je les remercie pour ce travail collaboratif et reprends la route, enfin la piste, enfin la trace, enfin... j'en sais rien... Je commence petit à petit à trouver normal de tirer tout droit dans les cailloux.
30 bornes plus loin je tire 5 km sur la gauche et me cale entre deux petites collines pour le bivouac. L'une de mes bouteilles d'eau est crevée. Zut !. Ca devrait aller si demain je trace.
Autour de moi, rien ni personne sur des km. Je monte sur le mamelon le plus proche pour passer ma petite veillée sous les étoiles avant de rentrer sous la tente.
Le lendemain, plutôt que de revenir sur mes traces jusqu'à la vague piste, je décide de couper le fromage au plus court vers la direction à suivre. Funeste idee qui m'emporte sur plus de 100 km hors trajectoire en me faisant justement rater l' embranchement qui va bien. Me voila au milieu de la steppe, entre les touffes d'herbe, puis plus rien, les cailloux et le sable. Un billard de 400 km2.
Je sors le petit GPS enveloppé dans l'écharpe blanche de maman, que j ai pour mission d'accrocher au sommet d un Ovo. Je n'oublie pas, ce sera plus tard. Je roule 50 m GPS allumé ; "Allo Houston, we have a problem !". J ai plus de km à effectuer maintenant qu'avant de partir ce matin. "et merde !" D'autant plus que en Mongolie, c'est un peu comme au scrabble, le km compte vite triple. 200 km dans la journée, à moto, ce n'est pas de la tarte. Là, je suis bon pour plus de 300. Par plus de 40°, sans ombre, je vous assure, ça calme !
Au loin, un point noir. Je me dirige vers lui plein d'espoir. C'est un cheval. Il est seul, posé au milieu de nulle part. Si je n'étais pas un peu stressé par la situation, j'aurais mille questions à lui poser à commencer par : "mais qu'est ce que tu fais là tout seul mon gars? Je lis dans ses yeux qu'il aimerait bien me poser la même question. Nos deux solitudes se croisent quelques instants. Je remets les gaz, me redresse sur la moto comme si ce mètre supplémentaire d'altitude allait me permettre de dominer la situation et retrouver mon chemin. J'essaie de tenir un cap à travers la steppe, petit point errant, sans repère, sans certitude, sans beaucoup d'eau non plus....
Pas d'ombre à part la mienne. Cela va être dur d'en profiter. Peut être Lucky Luke...
Un autre point noir, est ce un cheval, une yourte, une maison, un marchand de glaces à la vanille ? Une moto en panne avec deux hommes. Ils sont censés agiter un drapeau pour délimiter la course du Nadaam qui oppose les jeunes cavaliers mongols une fois par an. Je prends le plus agé en croupe, et il me guide jusqu à un petit village, 30 km plus loin. J'arrive juste pour le tournoi de lutte.
Impressionnant. D'autant plus que le vainqueur se dirige vers moi d'un pas decidé. Ca va être ma fête me dis-je. Non, c est le thermos de thé posé devant moi qui l'intéresse. La journée n'est donc pas définitivement foutue.
Je savoure ces instants avec les 200 villageois réunis. Hors axe principal, je suis un des rares étrangers à visiter leur village et je le sens dans leurs regards amicaux mais trés surpris.
Je reprends un azimut sur 60 km, parfois un berger me le confirme ou le modifie légèrement d un bras tendu, puis le désert reverdi et aprés 300 km j'arrive lessivé à Altai. Une douche fraiche et me voila presque retapé.
Citations :
" Ce qui plait à la fleur de l'humanité, ce n est pas la sécurité materielle, mais le danger affronté en bonne compagnie, l' amour, le rire, le contraste et la fête" Gengis Khan
"Rien de tel qu'une bière bien fraiche quand on a soif" Laurent F.
La chaleur rend fou. Plutôt que de tenir ce blog stupide, je me surprends à rêver d'écrire un livre sur la bière, sa mousse, ses petites bulles qui frémissent, sa belle couleur dorée, les goutelettes de condensation qui se forment à l'extérieur du verre. Mais pourquoi un verre? une pinte, un fût, une piscine, un torrent de bière... La chaleur rend fou.